Au cœur des territoires montagnards français, une bataille institutionnelle s’est récemment jouée. Le Conseil national de la montagne (CNM), instance cruciale pour nos massifs, a frôlé la disparition. Cette péripétie administrative révèle une vision inquiétante des enjeux montagnards. Comment en est-on arrivé là? Qui défend les intérêts de la montagne? Voici l’histoire d’un épisode qui illustre les tensions entre développement économique, gouvernance démocratique et transition écologique.
Un organisme aux missions essentielles
Le Conseil national de la montagne n’est pas une simple structure consultative. Ses missions sont vastes et déterminantes. Il est chargé de définir les objectifs de développement et de protection des territoires montagnards. Il veille à l’application des dispositions relatives à la montagne. Il facilite la coordination des actions publiques dans ces zones.
Son rôle législatif est également crucial. Le CNM peut proposer des adaptations des dispositions législatives aux spécificités montagnardes. C’est lui qui suggère les modifications nécessaires de la politique nationale. Il est consulté sur les projets de loi et de décret concernant la montagne. Il peut même saisir le gouvernement de toute question relevant de sa compétence.
La composition du CNM reflète sa mission de concertation. Il réunit tous les acteurs concernés. Représentants de l’État. Parlementaires. Élus locaux. Socioprofessionnels. Associations. Cette diversité garantit une approche transversale des problématiques montagnardes. Le budget de 51 000 euros qui lui est alloué paraît dérisoire face à l’ampleur de ses missions et aux enjeux qu’il traite.

Un sabordage institutionnel aux motivations floues
Un coup de théâtre législatif inattendu
C’est dans le cadre de la loi de Simplification que le CNM s’est vu menacé. Le 24 mars dernier, cette instance a été supprimée par un amendement. L’auteur? Christophe Naegelen, député des Vosges sans étiquette. La stupeur fut totale pour les acteurs de la montagne. Comment un élu d’un territoire montagnard peut-il vouloir supprimer cet outil de concertation?
Le député a prétendu que cette instance ne s’était pas réunie “depuis trois ans”. Une affirmation fausse. Sa commission permanente avait organisé une réunion le jour même de sa suppression. Cette étrange coïncidence soulève des questions sur la rigueur du travail législatif.
Des motivations contradictoires et peu convaincantes
Les explications de M. Naegelen semblent déconcertantes. L’élu parle d’efficience institutionnelle. Il évoque un budget de “80 à 90 000 euros” jugé excessif. Puis il se contredit en affirmant que l’aspect financier n’était pas sa motivation.
Plus étonnant encore, il défend son amendement comme “un appel à la mobilisation”. En clair, il propose de supprimer une instance pour la renforcer! Cette logique tortueuse reflète un amateurisme inquiétant dans le traitement des questions montagnardes.
Le député se justifie par une phrase révélatrice. “Si je ne suis pas un peu provocateur, comment arriver à un résultat?” L’aveu est de taille. Il reconnaît implicitement une stratégie d’agitation plutôt qu’une réflexion constructive. Cette méthode questionne sa vision du travail législatif.
Des conséquences dramatiques évitées de justesse
Un recul démocratique majeur stoppé in extremis
La suppression du CNM aurait été plus qu’une réorganisation administrative. Plusieurs associations l’ont souligné dans un communiqué commun. Il s’agissait d’un recul démocratique majeur. Les conflits d’usage se multiplient en montagne. Supprimer un espace de dialogue aurait été catastrophique.
Le CNM est un lieu unique. Associations écologistes, professionnels, syndicats, ONG et élus peuvent y échanger. Les sujets sont variés et sensibles. Développement des stations de ski. Gestion des ressources en eau. Protection des espèces. Pastoralisme. Sa disparition aurait créé un vide démocratique préoccupant.
Une vision environnementale compromise
Le changement climatique frappe durement les territoires d’altitude. La suppression du CNM aurait envoyé un signal désastreux. Cette instance a travaillé sur la loi Climat pour les zones montagneuses. Sa disparition aurait signifié l’abandon d’un outil essentiel pour l’adaptation.
La montagne française affronte des défis énormes. Recul des glaciers. Diminution de l’enneigement. Transformation des écosystèmes. Dans ce contexte urgent, supprimer une instance de concertation relève d’une irresponsabilité environnementale.
Un cafouillage gouvernemental révélateur
Une désorganisation administrative symptomatique
L’épisode du CNM révèle une désorganisation préoccupante de l’État. Quatre jours avant sa suppression, la ministre lui confiait une mission. Lors du festival Agir pour les glaciers, Agnès Pannier-Runacher déclarait: “Il nous faut réinventer cette montagne”.
Comment expliquer cette contradiction? Une mission gouvernementale d’un côté. Une suppression parlementaire de l’autre. Cette séquence montre un manque flagrant de coordination entre le gouvernement et sa majorité.

Un fonctionnement institutionnel à repenser
Cette affaire questionne le fonctionnement même du CNM. Marie-Noëlle Battistel, députée et ancienne membre, rappelle un fait important. “C’est au Premier ministre de convoquer le Conseil”. Les bouleversements politiques expliquent en partie son inactivité récente.
Cette dépendance excessive à l’agenda du Premier ministre est problématique. Les enjeux montagnards n’ont jamais été aussi pressants. Cette crise devrait être l’occasion de réformer son fonctionnement. Il faut garantir sa régularité, indépendamment des aléas politiques.
Vers une renaissance nécessaire du dialogue montagnard
Des défis qui imposent une concertation renforcée
Le CNM a été rétabli le 10 avril dernier. Ce n’est pas un simple retour à la normale. C’est l’opportunité d’un nouveau départ. Les défis des territoires montagnards sont immenses. Adaptation climatique. Préparation des JO 2030. Invention d’un modèle économique moins dépendant de la neige.
Marie-Noëlle Battistel le souligne avec justesse. “La montagne sera frappée par le réchauffement climatique. Il faut construire un nouveau modèle”. Les instances de concertation sont indispensables. Le CNM doit devenir central pour élaborer des politiques de transition adaptées.
Pour une instance plus efficace et plus inclusive
L’avenir du CNM dépend de sa capacité à se réinventer. Sa renaissance doit s’accompagner d’une réflexion profonde. Sur sa gouvernance. Son fonctionnement. Ses moyens. La tentative de suppression a peut-être servi d’électrochoc. Cette instance doit prouver sa pertinence et son efficacité.
Le gouvernement a confirmé une réunion pour l’automne prochain. Ce sera l’occasion d’évaluer le plan Avenir Montagnes. Il faudra élaborer une feuille de route claire. L’adaptation au dérèglement climatique sera centrale. Ce programme ambitieux doit se traduire par des actions concrètes.
Un réveil nécessaire face aux urgences montagnardes
L’histoire du sauvetage du Conseil national de la montagne est un signal d’alarme. Le CNM n’est pas une simple structure administrative. C’est le lieu privilégié de concertation entre le gouvernement et tous les représentants de la montagne. Son rôle est fondamental pour concevoir l’avenir de ces territoires.
Ces dernières années, le CNM a souffert d’une instabilité politique chronique. Les difficultés à construire une stratégie globale pour la montagne sont réelles. Pourtant, jamais les enjeux n’ont été aussi cruciaux pour ces territoires.
La montagne subit les effets du changement climatique avec une intensité particulière. Les événements climatiques exceptionnels s’y multiplient. Cette réalité constitue une menace sans précédent pour les écosystèmes. Elle met en péril les activités économiques et la qualité de vie des habitants. L’adaptation au changement climatique n’est plus une option. C’est une priorité absolue pour la survie même de ces territoires.
Les spécificités des zones montagneuses exigent des réponses sur mesure. Développement économique. Accessibilité. Aménagement du territoire. Organisation administrative. Tous ces aspects nécessitent une approche différenciée. L’objectif est simple mais vital: permettre aux populations de continuer à y vivre.
Le rétablissement du CNM doit marquer le début d’une nouvelle ère. Une ère où cette instance retrouve sa place centrale. Une ère d’action concrète et coordonnée. La montagne mérite mieux que des jeux politiques hasardeux. Elle exige un engagement collectif et une vision à long terme. C’est uniquement à cette condition que nous pourrons préserver ces territoires emblématiques de notre patrimoine naturel et culturel.